Impossible de prétendre faire de l’UX sans interroger son client. Or poser LA bonne question est un ART à part entière dont la science s’appelle la Questiologie. Un bon questionnaire permet de modéliser le comportement du consommateur et de prédire sont comportement futur.

Alors comment poser les bonnes questions ? Quels sont les principaux biais et pièges ? Et comment les éviter ? Comment interpréter les réponses ? 

Albert Einstein disait : « Si j’avais une heure pour résoudre une problème, je passerais 55 minutes à définir le problème et seulement 5 minutes pour trouver une solution ».
Qu’il s’agisse d’explorer ou de valider un produit/service au travers un interview, un test produit ou un questionnaire on line, la science du questionnement est un incontournable de l’expérience utilisateur.
Poser LA bonne question, choisir les bons mots, la bonne formulation et employer l’échelle adéquate pour explorer ou pour valider est tout un art.

  1. Introduction à la questiologie

Qu’il s’agisse d’une entretien, d’une table ronde, d’un test produit ou d’un questionnaire on line, il est déterminant de savoir poser les questions au risque d’influencer les réponses et d’obtenir des réponses inexploitable et non représentatives de la vraie vie.  Ecrire un questionnaire est un processus itératif, il faut bien prendre le temps de le construire au risque de ne pas pouvoir exploiter les résultats.

Quelque soit la méthode que vous allez utiliser (table ronde, on line,…), les étapes sont toujours les mêmes :

  • Définir ce que l’on veut savoir, le plus précisément possible (avec la méthode 5why)
  • Ecrire les définitions précises de chaque mot (confort, facilité, qualité,…)  en se méfiant des concepts trop généralistes (aime/aime pas).
  • Ecrire plusieurs versions d’une même question (que pensez-vous de l’aspect…, comment jugez vous de la qualité…)
  • Définir les échelles les plus adaptées (choisir la bonne granularité : oui/non, Likert en 5 points,…)
  • Choisir la séquence des questions (l’ordre est très important pour pallier à l’effet d’amorçage)
  • Tester le questionnaire sur aux moins 3 personnes
  • Vérifier l’exploitabilité des résultats

2. Les erreurs les plus fréquentes

  • Utiliser un vocabulaire d’expert (ex : que pensez-vous de l’utilisabilité de l’application?)
  • Se tromper dans l’échelle (ex : Oui-Non, de 1 à 5, jamais parfois souvent toujours, d’accord, pas d’accord)
  • Poser des questions orientées  (ex : Voulez-vous être en bonne santé ? (réponse OUI)
  • Faire des questionnaires compliqués
  • Proposer trop de choix de réponses (à partir de 8, l’attention décroche)
  • Oublier des choix de réponses
  • Faire des questionnaires trop long (on perd alors la capacité d’attention et la qualité de la réponse)
  • Etre trop général : est-ce facile à utiliser ? (Que veut dire facile ? simple, rapide, ou intuitif?)
  • Ne pas interviewer la bonne cible client
  • Se tromper dans l’ordre des questions
  • Utiliser trop de questions ouvertes
  • Prendre les réponses pour argent comptant sans creuser. Une personne déclare faire du sport 2 fois par semaine surestime sa pratique…
  • Certaines personnes n’aiment pas choisir les extrêmes sur les échelles, n’hésitez pas à l’amplifier
  • Inventer des questionnaires alors qu’il en existe déjà. (ex : il existe déjà des échelles de mesure de la familiarité face à un produit)
  • Prendre le répondant pour un imbécile en posant des questions triviales

Cas pratique: Je veux interroger mes clients sur la facilité et la qualité de mes produits et savoir si le client acheterait ce que je lui propose.

  • Trouvez-vous le produit : très compliqué 0……..10 Très facile
  • Trouvez-vous le produit : Très bas de gamme 0…….10  très qualitatif 
  • Acheteriez-vous le produit ? Oui / Non

Si vous faites évaluer la facilité et la qualité d’un produit en premier et que le client répond une note élevée (ex : 9/10), il aura du mal à choisir virtuellement de ne pas acheter le produit (dissonnance cognitive) pour rester cohérent avec ses décisions préalables.

Inversement si on demande d’abord l’intention d’achat (admettons qu’il dise non), cela influence les réponses suivantes (la facilité, la qualité auront des scores plus bas).

  • Acheteriez-vous le produit ?

Oui / Non

  • Trouvez-vous le produit :

très compliqué 0……..10 Très facile

  • Trouvez-vous le produit :

Très bas de gamme 0…….10  très qualitatif

Idéalement, il faudra éloigner /séparer les questions d’évaluation et les questions de décisions. 

NB : Attention au question qui porte sur la beauté (look, design, aspect) et sur le prix. Il existe des techniques de questionnement précise.

3. Astuces : 

Soignez l’introduction du questionnaire, elle doit impliquer le répondant sans l’orienter.

Pour pallier au phénomène d’amorçage : toujours commencer par des « questions défouloirs ». D’autant plus que si l’interviewer est stressé, excité ou de mauvaise humeur, ces questions vont lui permettre de se lâcher pour mieux se concentrer sur les questions suivantes.

Question en entonnoir : partir des considérations les plus générales aux plus précises

Remercier en fin de questionnaire

Exercice de Réflexion : Quelle échelle utiliserez-vous pour interroger les personnes sur leur consommation de boisson alcoolisée ?

  • Buvez-vous de l’alcool ?

Oui/Non

=> Que répondra la personne qui boit une coupe de champagne au nouvel an ?

  • Buvez-vous de l’alcool ?

Jamais, Rarement, Parfois, Souvent, Très souvent

=> Quelle est la différence entre « parfois » et « souvent »?  Que veut dire rarement ?

  • Buvez-vous de l’alcool ?

1 fois par an, 1 fois par mois, 2-3 fois par mois, toutes les semaines, 2-3 fois par semaines, tous les jours, plusieurs fois par jour

=> Quid des personnes qui ne boivent QUE pendant les grandes occasions. Qui répondra « tous les jours »?

  • Je bois de l’alcool

D’accord – Pas d’accord

=> Question très implicante !

 

3. Psychométrie et statistique

Nous allons aborder maintenant l’aspect statistique des questionnaires de manière light car chaque cas est unique.

N’oubliez pas que même si les questions sont bien formulés, il faut absolument exploiter correctement les résultats => moyenne, écart type, répartition, p-value, corrélation entre les questions, ACP, Alpha de Cronbach,…

Cas pratique : Admettons que l’on obtienne 7,9/10 en facilité d’utilisation. Est-ce que cette note est satisfaisante ?

Trop souvent les équipes choisissent par elle-même le seuil de réponse attendu. 7,5/10, 75% de bonnes réponses, … MAIS cela ne reflete pas l’impact sur le client

En réalisant des corrélations avec la satisfaction ou l’intention d’achat (la facilité impacte-t-elle la satisfaction générale ou l’intention d’achat), on peut alors déterminer à partir de quel seuil la facilité engendre de la satisfaction.

De même, on oublie par exemple très fréquemment de vérifier la représentativité de la population étudiée…

 

Passons maintenant à un thème plus avancé : l’élaboration de questionnaire psychométrique

Un questionnaire psychométrique est un questionnaire qui est fidèle, sensible et valide (voir plus loin) et qui permet de modéliser le comportement.  C’est un outil en or pour créer une segmentation utilisateur.

  • Sensibilité : Les questions et les échelles permettent de distinguer/descriminer les réponses et les répondants avec une bonne finesse.
  • Fidélité : Les personnes répondront la même chose à plusieurs intervalles de temps
  • Validité : Les réponses reflètent vraiment ce que j’ai voulu mesurer

Je veux créer une gamme de plats végétarien.

Je dois donc déterminer qu’est-ce que signifie manger « végétarien », qui mange végétarien (% de population), qui serait intéressé pour consommer mes plats végétariens ? 

Comment créer un questionnaire psychométrique ?

  1. On définit les « dimensions » que l’on veut mesurer. (ex : les végétariens exclusifs, les végans, les flexitariens, les homnivores, les intolérants, les animaux-friendly …)
  2. Génération de 5 à 8 questions synonymes (à faire en équipe) par dimension
  • Je suis végétarien
  • Je ne mange pas d’animaux
  • Je ne mange pas de viande
  • Je suis végétarien exclusif
  • Je ne mange pas de viande ni de poisson
  • Je ne mange que des légumes, des céréales et des fruits
  • J’évite de manger de la viande
  • Je ne mange pas de viande chez moi
  • J’évite de manger de la chair animale
  • Je suis flexitarien
  • J’aimerais manger moins de viande

3.Validation statistique des questions (ACP) et élimination des questions (sur 100 personnes environ)

On se rend compte qu’il existe une forte corrélation (significative) entre « Je suis végétarien exclusif » et « Je ne mange pas d’animaux » . Ces deux questions mesurent la même chose. 

En revanche, il n’y pas de corrélation entre « je suis végétarien exclusif » et « j’évite de manger de la viande »

3. Etudes on line sur 1000 personnes et vérifier les dimensions

Conclusions de l’étude

  • Les personnes qui déclarent être « végétarien exclusif », ne mangent ni viande, ni poisson et n’en mangent pas même occasionnellement. 
  • 80% des personnes qui ne mangent pas de viande mais qui mangent du poisson se disent végétariennes. 
  • Les jeunes adultes (<25 ans) sont plus végétariens exclusifs que les adultes >25 ans
  • Les femmes sont plus souvent végétariennes exclusives que les hommes
  • A partir de moins de 3 repas par semaine avec de la viande ou si on ne mange pas de viande chez soi, on s’estime flexitarien. 
  • Les flexitariens sont très « animal friendly »
  • Les « végétariens exclusifs » préfèrent cuisiner eux-même.

Ma cible :

  • Les flexitariens
  • Les personnes qui invitent des végétariens chez eux
  • Les végétariens avec poisson
  • Plutôt homme de plus de 25 ans. 

 

 

 

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